Par: ADELEKE AGBOLA, SAN, FCArb
L’Arbitrage a été défini dans la célèbre affaire KANO STATE URBAN DEVELOPMENT BOARD C/ FANZ CONSTRUCTION LTD (1990) NWLR (PT. 142)1, (1990) LPELR – 16959 (SC) comme “… le renvoi d’un litige entre au moins deux parties pour qu’il soit tranché, après audition des deux parties par voie judiciaire, par une ou plusieurs personnes autres qu’un tribunal compétent….. La décision de l’arbitre ou du juge-arbitre s’appelle la sentence (traduction de = the reference of a dispute between not less than two parties for determination, after hearing both sides in a judicial manner, by a person or persons other than a court of competent jurisdiction…. The decision of the arbitrator or umpire is called the award “.
Au vu de la définition donnée dans l’affaire Fanz, il est évident que l’ aboutissement de tout arbitrage est généralement “la Sentence”.
Au Nigéria, l’Arbitrage est réglementé par le Arbitration and Conciliation Act, Cap. A18, Laws of the Federation of Nigeria, 2004 2004 (“ACA”). Certains États, dont l’État de Lagos, ont leurs propres lois sur l’Arbitrage, mais en général, ces lois sont une réplique presque exacte de l’ACA.
Une fois la sentence rendue par l’Arbitre, il y a, comme dans toute procédure judiciaire, un gagnant et un perdant.
En effet, la partie gagnante demande la reconnaissance et l’exécution de la sentence, tandis que la partie perdante peut demander l’annulation de la sentence en vertu des articles 29 et/ou 30 de l’ACA ou le refus de reconnaître la sentence ou son exécution en vertu de l’article 32 de l’ACA.
DROIT PROCESSUEL APPLICABLE POUR L’EXÉCUTION D’UNE SENTENCE ARBITRALE NATIONALE
Le droit processuel applicable pour la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale nationale est l’Arbitration and Conciliation Act 2004. L’article 51 prévoit ce qui suit :
51.(1) Une sentence arbitrale est, quel que soit le pays dans lequel elle est rendue, reconnue comme obligatoire et, sous réserve de l’article 32 de la présente loi, est, sur demande écrite adressée au tribunal, exécutée par ce dernier.
(2) La partie qui se prévaut d’une sentence ou qui en demande l’exécution doit fournir :
(a) l’original dûment authentifié de la sentence ou une copie dûment certifiée de celle-ci ;
(b) l’original de la convention d’arbitrage ou une copie dûment certifiée de celle-ci ; et
(c) lorsque la sentence ou la convention d’arbitrage n’est pas rédigée en langue anglaise, une traduction dûment certifiée de celle-ci en langue anglaise.
Le Lagos State Arbitration Law 2009 (Loi de Lagos) s’applique aux arbitrages relevant de la juridiction de l’État de Lagos. La section 2 du Lagos State Arbitration Law 2009 dispose :
- Application.
À compter de l’entrée en vigueur de la présente Loi, tout arbitrage au sein de l’État sera régi par les dispositions de la présente Loi, sauf si les parties ont expressément convenu qu’une autre Loi sur l’arbitrage est applicable.
La section 56 du Lagos State Arbitration Law 2009 prévoit également que :
- Reconnaissance et exécution des sentences.
- Une sentence arbitrale doit, quelle que soit la juridiction ou le territoire dans lequel elle a été rendue, être reconnue comme exécutoire et, sous réserve de la présente Section et de la Section 58 de la présente loi, doit, sur demande écrite d’une partie à la Cour, être exécutée par la Cour.
- La partie qui se prévaut d’une sentence ou qui en demande l’exécution doit fournir :
- l’original dûment authentifié de la sentence ou une copie dûment certifiée ;
- l’original de la convention d’arbitrage ou une copie dûment certifiée ; et
- lorsque la sentence ou la convention d’arbitrage n’est pas rédigée en langue anglaise, une traduction dûment certifiée en langue anglaise.
(3) Une sentence peut, sur autorisation de la Cour ou d’un Juge, être exécutée de la même manière qu’un jugement ou une ordonnance avec le même effet.
LE TRIBUNAL COMPÉTENT POUR CONNAÎTRE D’UNE DEMANDE D’EXÉCUTION D’UNE SENTENCE ARBITRALE
Les tribunaux compétents pour connaître d’une demande d’exécution de sentences arbitrales sont les Federal High Courts et les High Courts des États. Les sections 29 et 30 du Arbitration and Conciliation Act 2004 prévoient que :
(29)(1)Une partie qui est lésée par une sentence arbitrale peut dans un délai de trois mois :
(a) à compter de la date de la sentence ; ou
(b) dans un cas relevant de l’article 28 de la présente loi, à compter de la date à laquelle le tribunal arbitral a statué sur la demande de sentence additionnelle,
par le biais d’une demande d’annulation, demander au tribunal d’annuler la sentence conformément au paragraphe (2) du présent article.
(2) Le tribunal peut annuler une sentence arbitrale si la partie requérante apporte la preuve que la sentence contient des décisions sur des questions qui dépassent le cadre de la soumission à l’arbitrage, de sorte que si les décisions sur les questions soumises à l’arbitrage peuvent être séparées de celles qui ne le sont pas, seule la partie de la sentence qui contient des décisions sur les questions non soumises peut être annulée.
(3) Le tribunal devant lequel une demande est introduite en vertu du paragraphe (1) du présent article peut, à la demande d’une partie, le cas échéant, suspendre la procédure pour une période qu’il détermine afin de donner au tribunal arbitral la possibilité de reprendre la procédure arbitrale ou de prendre toute autre mesure visant à éliminer les motifs d’annulation de la sentence.
(30)(1) Lorsqu’un arbitre a fait preuve de mauvaise conduite, ou lorsque la procédure arbitrale, ou la sentence, a été irrégulièrement obtenue, le tribunal peut, à la demande d’une partie, annuler la sentence.
- Un arbitre qui s’est mal conduit peut, à la demande d’une partie, être révoqué par le tribunal. Reconnaissance et exécution des sentences.
La Section 57 du Arbitration and Conciliation Act (Interpretation part) prévoit en outre ce qui suit :
57)Dans la présente loi, à moins que le contexte ne requière autrement :
” Court ” désigne la High Court d’un État, la High Court d’un territoire de la Capitale Fédérale, Abuja ou la Federal High Court ;
” Judge ” désigne un Juge de la High Court d’un État, de la High Court du Territoire de la Capitale Fédérale, Abuja ou de la Federal High Court ;
Dans l’affaire MAGBAGBEOLA C/ SANNI (2000) LPELR-10817 (CA), la Cour a jugé que la High Court de l’État de Lagos était compétente pour nommer un arbitre en ce qui concerne la formule de partage des actions d’une société légalement constituée, en dépit du fait que la High Court qui est investie de la compétence exclusive en matière de sociétés et de questions connexes est la Federal High Court. La Cour a poursuivi en affirmant que la querelle opposait les deux partenaires entre eux et n’invoquait pas la compétence de la Federal High Court.
Comparez, cependant, cette décision avec la décision de la cour dans l’affaire KABO AIR LIMITED V THE O’ CORPORATION LTD (2014) LPELR-23616 où il a été suggéré qu’un jugement étranger émanant de la Haute Cour de Gambie concernant un litige dans le domaine de l’aviation est enregistrable à la Haute Cour Fédérale parce que ” La transaction qui a conduit aux jugements étrangers dans le litige à la High Court of Justice de Gambie impliquait un aéronef qui relève de la juridiction exclusive de la Cour inférieure (la Federal High Court) en vertu de la Section 251 (1) (k) de la Constitution de 1999“.
Afin d’éviter les pertes de temps inutiles qui peuvent être causées par des objections préliminaires frivoles, il est recommandé que les demandes de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales soient introduites devant le tribunal qui a la compétence matérielle pour l’affaire ayant conduit à la sentence.
LES DÉFIS RENCONTRÉS DANS L’EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES NATIONALES
1.LA JURIDICTION
L’une des difficultés rencontrées dans l’exécution des sentences arbitrales nationales est la question de la compétence : le tribunal compétent pour faire exécuter une sentence arbitrale. Le Arbitration and Conciliation Act (loi sur l’Arbitrage et la Conciliation) prévoit soit la Federal High Court, soit les High Courts de l’Etat.
Des questions peuvent se poser pour savoir si l’objet de la sentence arbitrale que l’on cherche à faire exécuter relève de la compétence des Federal High Courts ou des State High Courts.
Souvent, les parties qui n’ont pas obtenu gain de cause lors de l’Arbitrage utilisent tous les moyens possibles pour empêcher l’exécution de la sentence arbitrale, et ont donc recours à des exceptions de compétence pour bloquer les processus d’exécution. Comme nous l’avons conseillé ci-dessus, il vaut mieux pécher par excès de prudence et intenter une action devant le tribunal compétent en la matière.
2.LONGUE PÉRIODE REQUISE POUR L’EXÉCUTION OU LA RECONNAISSANCE D’UNE SENTENCE
Un autre défi auquel les parties sont confrontées est le temps nécessaire pour faire exécuter et reconnaître une sentence arbitrale nationale. Nous disposons d’un nombre limité de juges spécialisés dans le domaine de l’arbitrage dans notre pays. L’Arbitrage est un système judiciaire très particulier et si l’exécution de la sentence n’est pas assurée par des juges compétents et spécialisés, cela peut conduire à des décisions erronées de la part de certains tribunaux, et le prononcé de jugements est perçu comme une intrusion dans le caractère définitif des sentences arbitrales.
En outre, les parties ont tendance à demander l’annulation des sentences sans base juridique appropriée, ce qui constitue une tactique de dilatoire. La réticence à accepter le résultat d’une procédure arbitrale est également due au fait que de nombreuses parties et leurs avocats n’acceptent pas le résultat d’une procédure engagée volontairement. Par exemple, l’avis d’arbitrage dans l’affaire OKEKE C/ NITEL (supra) a été émis le 16/12/1996 et l’affaire a finalement été tranchée par la Cour Suprême le 27 janvier 2017, soit plus de 20 ans après!
Il est ridicule qu’un litige commercial résolu par arbitrage prenne autant de temps. Nous espérons que dans le processus d’amendement constitutionnel en cours, le droit de contester une sentence arbitrale devrait avoir son point final à la Cour d’Appel, et même dans ce cas, les coûts pour un appel infructueux devraient prendre en compte les coûts réels encourus par les parties, y compris les frais d’avocats.
3.CAPACITÉ DE RÈGLEMENT DE L’OBJET DU LITIGE PAR LA VOIE DE L’ARBITRAGE
L’une des questions relatives à l’exécution des sentences arbitrales au Nigeria est la possibilité de régler l’objet du litige par l’arbitrage et l’ordre public. La section 48(b) du Arbitration and Conciliation Act prévoit que le tribunal peut annuler une sentence s’il estime que: l’objet du litige n’est pas susceptible d’être réglé par arbitrage en vertu des lois du Nigeria ; ou que la sentence est contraire à l’ordre public du Nigeria. Ainsi, des arbitrages ont été arrêtés au motif que le litige ne pouvait être réglé par arbitrage en vertu de la loi nigériane ou était contraire à l’ordre public du Nigeria.
4.DÉLAI DE PRESCRIPTION POUR L’ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE D’EXÉCUTION
Une autre question concerne le délai de prescription pour l’engagement de la procédure d’exécution.
La section 8(1)(d) de la loi sur la prescription (Limitation Law) de l’Etat de Lagos (avec des dispositions similaires dans les lois sur la prescription des autres Etats de la Fédération) prévoit que toute demande d’exécution d’une sentence arbitrale doit être introduite dans un délai de 6 ans à compter de la date à laquelle la cause de l’action a été engagée.
Les questions qui se posent sont les suivantes : quand le délai de six ans commence-t-il à courir ? Est-ce à partir de la date de la naissance de la cause initiale de l’action, ou à partir de la date de la sentence arbitrale ? Il en résulte qu’une partie ne peut pas engager avec succès une action en exécution d’une sentence arbitrale en dehors du délai légal de six ans. On s’attend à ce que la clause “Scott v. Avery” soit insérée dans chaque convention d’arbitrage afin de reporter le délai de prescription jusqu’à ce qu’une sentence arbitrale soit rendue.
- Un autre problème est le temps qu’il faut aux cas d’arbitrage pour arriver jusqu’à la Cour suprême. Il faut entre 6 et 12 ans pour qu’un dossier d’arbitrage parvienne à la Cour Suprême avant qu’une décision finale soit rendue en faveur de l’exécution de la sentence, période pendant laquelle la “res” peut avoir été détruite.
ÉTAPES QUE LES AVOCATS DOIVENT SUIVRE POUR L’EXÉCUTION D’UNE SENTENCE ARBITRALE NATIONALE
L’article 51 du Arbitration and Conciliation Act, CAP A18, LFN, 2004 fournit un cadre juridique unifié pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales, qu’elles soient locales ou étrangères, comme suit : “
(1) “Une sentence arbitrale est, quel que soit le pays dans lequel elle est rendue, reconnue comme exécutoire et, sous réserve de l’article 32 de la présente loi, est, sur demande écrite adressée au tribunal, exécutée par ce dernier.
(2) La partie qui invoque une sentence ou qui en demande l’exécution doit fournir:
(a) l’original dûment authentifié de la sentence ou une copie dûment certifiée de celle-ci ;
(b) l’original de la convention d’arbitrage ou une copie dûment certifiée de celle-ci ; et
(c) lorsque la sentence ou la convention d’arbitrage n’est pas rédigée en langue anglaise, une traduction dûment certifiée de celle-ci en langue anglaise”.
Dans l’affaire IMANI & SONS LTD. C/ BIL CONSTRUCTION CO. LTD (1999) NWLR 12 (Pt. 630), 253 à 263, la Cour d’appel a statué qu’en plus de la motion on notice introduite par la partie sollicitant l’exécution, cette dernière doit également produire les documents suivants :
“(1) La Convention d’Arbitrage ;
(2) La Sentence Arbitrale originale ;
(3) Le nom et le lieu d’établissement de la personne contre laquelle l’exécution est prévue ;
(4) Une déclaration selon laquelle la sentence arbitrale n’a pas été exécutée, ou n’a été exécutée qu’en partie”.
Dans l’affaire EBOKAM V. EKWENIBE & SONS TRADING COMPANY, (2001) NWLR 2 (Pt. 696),32 la Cour d’appel du Nigéria a énuméré des exigences supplémentaires nécessaires pour une partie qui sollicite la reconnaissance et l’exécution en vertu de la Convention de New York. Ces conditions sont les suivantes:
1. la convention d’arbitrage
2. que le litige soit né dans les termes de la demande ;
3. que les arbitres ont été nommés conformément à la clause qui contient la demande ;
4. le prononcé de la sentence arbitrale ; et
5. que le montant accordé est resté impayé.
Une fois que la Cour reconnaît la sentence en autorisant le créancier à l’enregistrer, elle sera exécutée comme un jugement de cette Cour.
Il est important de noter que l’article 31 de l’ACA, qui prévoit la méthode d’exécution d’un jugement, ne précise pas si l’autre partie doit être mise au courant. Cependant, avec la décision prise par la cour d’Appel dans l’affaire ALLIED ENERGY LTD C. NIGERIA AGIP EXPLORATION LTD, (2018) LPELR – 4502 (CA), il est devenu opportun pour une partie gagnante cherchant à enregistrer et à faire exécuter une sentence de mettre l’autre partie en demeure.
L’impression créée par beaucoup est que le Nigéria n’est pas un environnement favorable à l’Arbitrage, mais un examen impartial des affaires portées devant les tribunaux supérieurs révélera que la plupart des sentences arbitrales sont confirmées par nos tribunaux. En effet, comme l’a déclaré le Juge Kekere-Ekun dans l’affaire Nitel C/ Okeke (Supra) à la page 47, “pour souligner le fait que la Cour ne siège pas en appel d’une sentence arbitrale, il faut noter que même si la Cour trouve le bien-fondé d’une demande d’annulation d’une sentence, sa compétence se limite à annuler la sentence et à la renvoyer à l’arbitre pour réexamen. La Cour n’a pas compétence pour déterminer le fond de l’affaire qui fait l’objet d’une procédure d’arbitrage”.
Dans l’affaire OKEKE C/ NNAMDI AZIKIWE UNIVERSITY TEACHING HOSPITAL (2018) LPELR – 43781 (CA), la Cour a refusé d’invalider une sentence simplement en raison d’une erreur dans le nom du défendeur. Cependant, dans l’affaire KANO URBAN DEVELOPMENT BOARD C/ FANZ, (Supra), la Cour a annulé une sentence au motif que les parties ont accompli d’autres démarches dans le cadre du litige avant que l’affaire ne soit suspendue et ensuite soumise à l’arbitrage.
CONCLUSION
D’un point de vue pratique, l’exécution d’une sentence arbitrale au Nigéria est, sur le papier, un exercice sans problème si un avocat suit avec diligence la procédure stipulée dans le Arbitration and Conciliation Act ou toute autre loi d’Etat applicable.
À notre avis, le retard observé dans l’exécution des sentences arbitrales est davantage dû à la congestion systémique de notre système judiciaire qu’à une défaillance inhérente aux textes d’application. En outre, il est grand temps que nos Juges suivent les prescriptions de la loi et ne traitent pas les demandes de reconnaissance et d’exécution des sentences comme s’ils siégeaient comme une Cour d’Appel sur les Tribunaux Arbitraux, car cela leur permettra de statuer rapidement sur toute contestation d’une sentence arbitrale conformément aux motifs exclusifs stipulés dans la loi.
RÉFÉRENCES :